Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
LE BACHELIER GÉANT.

Le cinquième ? Sa vengeance est trouvée. Il annonce par la ville lui-même qu’on ne donnera pas d’argent le soir au bureau. Chacun payera en nature, croûtes de pain, flan, savates, gilets de laine ! Le directeur prendra son cinquième !

Un homme se présente avec un clysopompe : — « Passez aux premières ! »

Il fallait entendre Bêtinet raconter ces folies ! Philosophe gouailleur et sceptique, il riait au nez de la chance nouvelle, et s’amusait de sa décadence avec une gaieté mordante qui faisait la joie de la baraque, quand le travail n’allait pas.

Rosita n’était pas la dernière à applaudir du regard et des lèvres aux mots heureux !

J’étais jaloux du succès du pître, quand je la voyais ainsi l’écouter, sans perdre une de ses paroles, un de ses gestes, ne se rappelant plus que j’étais là, attendant le mot de la fin !

Mon cœur se serrait, et je riais jaune quand il fallait rire. Ma douleur me rendit injuste et mauvais. J’essayai de ruiner la popularité du pître, de lui couper le succès sous le pied par des interruptions malignes ou des réflexions d’ennuyé.

Mal m’en prit : je me mis à dos l’opinion publique et Bêtinet me massacra de son ironie froide et canaille, dans son argot téméraire, avec sa langue pittoresque du faubourg. Il mit les rieurs de son côté, et Rosita ne me défendit point !

Je devinai à son attitude, ce jour-là, que j’étais perdu ! Ma science était rasée, j’étais moins fort que