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LE BACHELIER GÉANT.

il suffit d’une occasion pour qu’on soit trahi. Elle se présente un jour sous la forme d’un homme vigoureux et roué.

Roué, notre pître l’était comme un faubourien corrompu !

Sa vie était un roman comique, où le Pactole et le ruisseau s’étaient toujours croisés ! C’était, dans la force du terme, un banquiste ; il aurait fait de M. Leverrier un nègre et de M. Limayrac un géant !

Il avait commencé comme aveugle, allant chanter avec un frère de louage dans les cafés, les cours, tâtant la vie du bout de son bâton.

Quand il eut amassé quelques sous par la cécité, il acheta un Rhotomago et vendit de la bonne fortanche.

Nous appelons Rhotomago ou Thomas cette espèce de bocal dans lequel se balance un enfant en bois, qui monte et remonte suivant qu’on pose ou que l’on retire le doigt ; c’est ce magot noyé qu’on interroge et qui rend les décrets vendus à raison d’un sou à ceux qui veulent savoir le passé, le présent et l’avenir !

« Monsieur RRho… RRho… RRho… tomago va nous dire ce que vous êtes ! »

La bonne fortanche, c’est la bonne aventure.

On gagne beaucoup d’argent à ce métier-là, plus parfois qu’à tiranger la brême, c’est-à-dire tirer les cartes.

Bêtinet roula jusqu’à ce que tout fût mangé, et, le saint-frusquin dévoré, se remit aveugle.