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LE BACHELIER GÉANT.

On appelle ainsi ces spectacles qui ont pour théâtre ordinaire une vieille et sale voiture où gisent quelques repoussantes curiosités.

Un rideau qui s’entr’ouvre, le monstre debout ou couché, qu’on explique ou qui parle, deux sous qu’on donne, on entre, on sort : voilà l’étymologie.

Point d’autres frais que la pâtée et la litière à faire pour le phénomène à deux pieds ou à cinq pattes.

Il rit, il pleure, il bêle, il hurle, grandit ou diminue, sèche ou engraisse : il faut qu’il aille jusqu’au bout, et que, la veille de son enterrement, il salue encore la société, qu’il fasse le beau, le mort, qu’il donne la main, la griffe, roule sa bosse !

Dieu sait tout ce qu’on voit quelquefois ! quels échanges entre le bipède et le quadrumane, le crustacé et le mammifère ! série de plagiats et d’emprunts barbares ! enfer pavé d’intentions horribles, de corps tronqués, orphelins sinistres dont l’homme fait à l’image de Dieu repousse la paternité !


Laissons là ces laideurs : je ne vous en parlerai plus ; ils pourraient m’en vouloir d’ailleurs, et dire que je les calomnie, si j’oubliais ou j’ajoutais — race irritable aussi, celle des incomplets et des surabondants !

Souvent le phénomène n’est pas vivant, il est empaillé ou confit ; l’empaillé est presque toujours une bête ; le confit, un homme, un parent, Théodore.