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LE BACHELIER GÉANT.

demain, sans un sou, sans rien, pas même nos costumes de banque pour faire notre métier. Nous laissâmes partir le nègre et les sauvages que nous ne pouvions plus garder, nourrir, payer, et nous vendîmes le cheval aveugle. Pauvre bête ! quand nous la quittâmes, comme si elle sentait que nous l’abandonnions, elle tourna vers nous en gémissant ses grands yeux morts, où l’on eût dit qu’il y avait des larmes.

Puis commença la vie de misère comique que je voudrais recommencer.

Oh ! le bon temps où elle n’avait que moi pour la consoler et mes 2 mètres 40 pour la soutenir !

Lorsque nous nous trouvâmes seuls, le soir du désastre, ce fut un pénible moment, mais la porte du grenier où nous apportâmes nos dernières hardes une fois fermée, elle se jeta à mon cou en me disant :

« Eh bien ! le Grand ! »

À ces mots dits d’une voix triste, mon cœur tressaillit de joie, et je ne changerais pas contre les jours les plus beaux des riches, le souvenir des temps qui ont suivi cette ruine.

Le lendemain, je mis Rosita en couleur.