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LE DIMANCHE

Il vous offrira, au lieu de gloria, le petit pain et la saucisse, l’implacable saucisse ! On ne connaît pas assez à notre époque, l’influence du cochon en littérature. Je connais des hommes de lettres maintenant en route pour l’Académie, qui ont mangé un kilomètre de boudins pendant les années difficiles du noviciat.

Quelques-uns qui, ne pouvant tenir à la peine, sont descendus des hauteurs du Parnasse et du quartier Latin pour entrer comme employés dans un bureau, une étude ou un magasin, se prennent parfois à regretter ce temps d’émotions salées. Ils ont la nostalgie de la saucisse.

Il en est d’autres, au contraire, dont ce régime a perverti les idées, les sentiments, l’estomac. La charcuterie me fait peur, me disait une ancienne victime du boudin littéraire, j’aimerais mieux les garder qu’en manger encore !


On se promène donc de long en long. Les trois boutiques de libraires sont fermées. Seuls, deux élèves de l’École normale et un homme en chapeau pointu lisent les feuilles du soir chez le père Brasseur, le marchand de journaux. Les pas résonnent sur les dalles comme dans les corridors d’un château où il y a encore des revenants. Ici, les revenants se tiennent au bout des galeries, entre des barrières. Des sergents de ville sont là qui les empêchent d’agiter leurs chaînes. Ces ombres attendent que sept heures et demie sonnent à l’horloge du monastère pour aller