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LES VICTIMES DU LIVRE.

les cadavres, gentilshommes ou plébéiens, républicains et royalistes, crânes cassés à la Pénissière ou à Saint-Merry — combien qui s’étaient jetés dans la mêlée, grisés par l’odeur chaude de certains livres, histoires de la Montagne ou de la Vendée, des Girondins ou de Dix ans ! Esquiros ou Crétineau-Joly, Lamartine ou Louis Blanc !

Je les salue, ces morts qui rendirent leur âme avant leur épée ?

Je les plains — au lieu de les insulter — ceux qui vécurent pauvres et seuls, par delà la frontière, et ceux surtout qui sont restés là-bas, plus loin, de l’autre côté de l’Océan, jusqu’à l’heure des amnisties.

Mais, disons-le — non sans tristesse — chez quelques-uns de ces héros, l’amour des batailles remportait peut-être sur l’amour du bien ; on avait plus soif de poudre que de justice ; la tête donnait plus que le cœur.

Ah ! que n’ai-je le droit et le temps d’en parler ! Ce loisir, je l’aurai ; ce temps, je le prendrai. Mais dès à présent, je l’affirme, tous, presque tous, ces chercheurs de dangers, ces traîneurs de drapeaux, apôtres, tribuns, soldats, vainqueurs, vaincus, ces martyrs de l’histoire, ces bourreaux de la liberté : les Victimes du livre.