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LES VICTIMES DU LIVRE.

des femmes, raillent la vertu, l’amour, et la première blonde qui passera va leur faire cracher le sang, pleurer tout ce qu’ils savent, donner tout ce qu’ils ont !

— Des provinciaux.

J’arrive à des victimes plus fraîches, toutes saignantes.

Voici les bourreaux :


A. DE MUSSET.

Ce qu’il a égaré de talents, ce grand poète, vous le savez ; ce qu’il a fait d’ivrognes, on l’ignore.

Il n’y a pas eu que des cœurs brûlés à cet incendie d’une âme, et de petits génies flambés, mais aussi des poumons fondus, des entrailles grillées…

On s’est grisé après Rolla, on a couru les cabarets et les maisons de filles après don Juan.

J’ai vu des garçons avaler de la bière qui les rendait bêtes, de l’absinthe qui les rendait fous, point par plaisir, parce qu’ils avaient soif, non ! mais parce que c’était déjà être poète que de boire ainsi ! — Très mécontents si la tête eût résisté ou si le cœur eût tenu bon !

Ceux qui avaient la chance de n’avoir pas de santé, dont l’estomac se révoltait aux premières gorgées, se vantaient d’ivresses et se flattaient d’indigestions qu’ils n’avaient point eues, prenant, au besoin, pour