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LES RÉFRACTAIRES.

prendre un gîte, attraper au vol un déjeuner à la fourchette ou un dîner au chocolat — comme ça se trouve. Une choucroute un soir, une soupe à l’oignon un matin, un ordinaire par-ci, de l’extraordinaire par-là…

C’est un diplôme qu’on arrose, des frais d’examen qu’on mange ; il est de toutes les folies et de toutes les fêtes, le réfractaire ! Il paye sa place par des bons mots, raconte des histoires de journalistes, dit des vers au dessert.

Il y a les hasards heureux, le duel où l’on est témoin, le dîner à l’hôpital avec l’interne, avec le sous-officier à la cantine.

C’est quelquefois un homme à l’aise, gêné un moment, qui vient associer sa détresse ignorante et timide à leur misère audacieuse et savante, chez qui l’on trouve toujours quelque chose à vendre : un paletot, des bouteilles vides, une pipe turque…

Tous les ridicules humains lui payent tribut, au réfractaire.

Artistes et bourgeois, poltrons et matamores, sages et fous, quiconque a des vers à lire, une histoire à placer, une femme à maudire, le monsieur qui joue à l’artiste, l’homme qui veut avoir un organe, lâches dont on prend les querelles, ivrognes dont on tient la tête, philosophes dont on est le Greppo, tous ceux qui ont besoin d’un coup d’épaules, d’un coup de main, d’un éloge, d’une consolation, d’un service, le trouvent là pour partager la soupe et l’émotion. Calembours dont on rit, vers qu’on admire, manie