Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
DEUX AUTRES.

main droite, qui faisait son devoir, plus que son devoir. C’étaient, à la moindre alarme, les cinq doigts qui se jetaient sur l’agité, et le maintenaient à sa place, désespéré.

Ces gestes, tout de circonstance et de convention, donnaient lieu aux méprises les plus comiques, et les doigts en l’air figuraient assez bien le geste du gamin parisien quand il veut être impertinent pour un contemporain !

Depuis quand Cressot avait-il ce tic ? À quelle époque seulement remontait son origine ? On ne l’a jamais bien su. Un jour, un homme à barbe blanche l’accosta dans un café, et, se jetant dans ses bras, lui dit :

« T’en souviens-tu, Ernest, quand nous étions au collège ? C’était en 182… »

Cressot l’interrompit, et il se fit un grand silence.


D’où venait-il ? C’était un Bourguignon, ce déhanché minable et amaigri. Son père, vieux soldat, avait fait les guerres de l’empire ; sa mère, sainte femme, après avoir été la compagne vaillante de l’ancien lancier de la garde, mourait trois jours avant celui qu’elle avait mis au monde, et le père, à quatre-vingts ans, se trouva, un soir, entre le cercueil de sa femme et celui de son vieil enfant. Je crois qu’il est allé depuis les retrouver.

Cressot était venu achever ses classes à Paris, où il avait fait ses élémentaires, ses spéciales même, pour entrer à l’école militaire de Saint-Cyr. Cressot,