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UN RÉFRACTAIRE ILLUSTRE.

vers la prose, et tu mets les rimes. — Croyez-vous, nous disait Planche en souriant, j’avais deviné juste. On est maladroit à table, mais on a quelquefois du flair. »

C’est à peu près à cette époque qu’il parlait aux intimes d’une lettre que lui avait adressée madame Sand au sujet de Flaminio. Elle commençait à peu près ainsi : « Ah çà, mon cher Planche, pourquoi me maltraiter ? » Tout le temps elle était polie, flatteuse et aimable, se contentant de demander avec esprit un peu d’indulgence. Sept pages, ma foi, et serrées ! Le grand critique était heureux comme un enfant en nous montrant en cachette cette fameuse épître. Je puis assurer à madame Sand qu’il ne parlait jamais d’elle que pour la défendre, et je l’ai, à vrai dire, entendu attaquer quelquefois par des gens qui l’avaient vue de près, chez elle et dans le monde. Planche aimait à essayer la petite épigramme qui a des dents de lait, le mot malin, la réflexion à moitié méchante. Ce n’était plus le jouteur terrible d’autrefois, l’homme violent, impitoyable, qui brisait sa plume sur le dos des profanes. Vaincu par la misère, fatigué, malade, il avait perdu l’amertume des premiers temps. Il n’était plus capable d’écrire l’article sur Henri de Latouche, cette page intitulée les Haines littéraires, tout imprégnée d’indignation et de pitié. J’ai déjà dit dans quelles circonstances avaient été faits les articles sur MM. de Lamartine et Cousin. Les Haines littéraires sont venues, dans une mansarde, au milieu de la nuit. Il s’était couché triste, navré,