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UN RÉFRACTAIRE ILLUSTRE.

Ce fut un dîner de Sardanapale. Des flacons de Constance, du vin du Rhin, des choses chères comme tout, disait Planche en riant dix minutes avant la fin de son histoire.

Le grand critique découpait la viande — le romancier découpait le monde, et en faisait des parts.

« Voulez-vous l’ambassade de Constantinople ? criait-il à Planche en le tirant par les boutons de son habit. Le ministère de l’instruction publique vous irait peut-être mieux ? Malheureusement j’y ai mis quelqu’un. Nous arrangerons ça. Il me reste l’Espagne, vous n’en voulez pas ?

— Je ne dis pas non, » répondait Planche en se léchant les doigts et en buvant des choses chères.

Enfin en passant par le Cap, la Hongrie et le Rhin, les truffes et le faisan, on arrive au terme du voyage.

« Payez, dit Planche en cherchant sa canne, et allons-nous-en, je pars pour Constantinople.

— Dépêchez-vous, nous avons à peine le temps, dit Balzac. Garçon, la note !

La note arrive. Un chiffre énorme ! on avait bu des choses si chères !

Balzac lit la note, la met dans sa poche, prend son chapeau.

« Nous partons ?

— Et la note, payez donc ? Le garçon attend.

— La note ? Je n’ai pas d’argent.

— Vous avez oublié votre bourse ?

— Non pas, je n’ai pas un sou depuis une semaine.