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UN RÉFRACTAIRE ILLUSTRE.

français. Il eût bien tenu sa place à l’Académie. Et comme il y songeait ! C’était sans doute pour la gloire ; c’était aussi pour les jetons ! « Quinze cents de jetons ! On me mettra au dictionnaire, un billet de mille ! » Voilà presque une rente. « Mais, reprenait-il, je n’aurai qu’une voix, une ou deux, » et il disait lesquelles. Comment Cousin, Villemain, Lamartine, et tant d’autres voteront-ils pour moi, depuis que j’ai dit sur eux mon sentiment ? » Il avait sans doute raison, et nous n’insistions pas.

L’hiver, il avait des jours heureux. Le vendredi, il se trouvait avec des amis à table ; chacun payait son écot. Un convive apportait dans ses poches un homard ou bien un pâté. MM. Gérôme et Barye, étaient, je crois, deux des convives.

Ces jours-là, il revenait plus gai dans le petit café où il avait planté sa tente. On lui a reproché ces habitudes : après ce que j’ai dit, on les comprendra mieux. Logement triste et froid dans lequel il n’osait demeurer seul en face de son ennui et de ses grands chagrins ! Cette malheureuse notoriété, qui l’empêchait de fréquenter les tables d’hôte ! Il allait au café. Tout le monde a le droit d’y aller, et tout le monde y va. Mais si parfois il essayait de consoler ses peines, s’il puisait dans sa soucoupe un peu d’oubli, qui donc aurait le courage de lui en vouloir ?

Il était aimé de tous ceux qui l’ont vu de près. Les louis qu’il tirait à grand’peine du fond de son encrier, il les mettait avec bonheur dans la main de ses vieux