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UN RÉFRACTAIRE ILLUSTRE.

L’article ne passera pas, il est trop violent. Plein de rage et de tristesse, Planche recommence, touche encore l’argent. Nouveaux obstacles ! C’est un troisième article que l’on imprime, celui-là même qui provoqua les lettres de MM. Janin et Cuvillier-Fleury.

Le pauvre homme était dans une inquiétude mortelle ; il se trouvait redevable des articles payés et non admis. Il n’en dormait pas. Ses craintes étaient sans doute chimériques, et M. Buloz ne lui aurait jamais rien réclamé ; mais ces affaires d’argent le tourmentaient beaucoup. Il avait fait un rêve. Il espérait vendre ses Œuvres complètes, il comptait encore à ce propos sur le bon vouloir de M. Edmond Texier ; il se disait que peut-être il arriverait au chiffre nécessaire pour acquitter certaines dettes et aller passer six mois à la campagne. « Buloz m’a promis de me payer double un roman, c’est-à-dire quatre cent quatre-vingts francs la feuille. Je mettrai là tout ce que j’ai. Ils veulent que je fasse un livre, mais qu’ils m’habillent, qu’ils me logent, qu’ils me nourrissent, et nous verrons. » Ce roman ne fut jamais commencé, et jamais il ne put passer huit jours à la campagne, au bord d’une rivière, au milieu des roses. Il aimait du reste modérément les plaisirs champêtres ; je voulais un jour l’emmener à Frènes. « Allons cueillir des pâquerettes ! — Des pâquerettes ! Des pâquerettes ! Est-ce que je puis me mettre à l’ombre d’une pâquerette. » — Il est de fait que ce colosse eût été peu à l’abri sous la fleur inno-