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LES MORTS.

comment on payait son talent. Ce qu’il souffrait en écrivant, il faut, pour le comprendre, avoir assisté à l’enfantement de quelques-uns de ces articles, où sa pensée planait sur les hommes et les choses de notre temps. On l’a dit méchant, cruel, amer. Méchant, il ne l’était point ; cruel, il ne voulait pas l’être ; amer, c’est vrai. Et voilà où la tristesse me revient ! Sans le savoir, sans qu’il fût complice, malgré lui, il était atteint, envahi. La misère le faisait chagrin et son génie s’en ressentait. Le poison montait du cœur à la tête et gâtait l’encre comme le sang !

Quelques minutes avant sa mort, on lui apporta sur son lit une grappe de raisin toute fraîche et toute dorée. Elle avait dû coûter bien cher ; on était, je crois, au mois de juin. Celui qui la lui adressait était un vieil ami qu’il connut aux jours de détresse ! Peut-être il ne dîna pas de deux jours, le pauvre homme, pour envoyer cette grappe cueillie avant la saison à son camarade qui mourait avant l’heure.

Il n’est pas le seul. À côté de lui, qui eut la réputation, presque la gloire — qui eut au moins des ennemis — combien d’autres, demi-célèbres même, sont partis avant l’heure, étranglés par le monstre !

V

Voilà pourtant où ils en arrivent ! L’hospice Dubois au plus ! C’est là qu’ils meurent, après avoir éclairé,