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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

mal un sanglot. Elle ne peut partir sans un adieu. » Et il propose au parent, dont il serre avec effusion la main, de faire dire un mot sur la tombe.

Il a l’oraison funèbre toute prête, très lisible, et le cousin peut parler lui-même sur le bord de la fosse. Chaque, si l’on veut, mouille le papier de larmes ; si l’on veut aussi, il prend la parole lui-même, et je l’ai entendu, les cheveux au vent, qui, sur le cercueil d’un liquoriste, disait :

« Adieu, Ernest ! Adieu… ou plutôt au revoir dans un monde meilleur ! »

La cérémonie terminée, Chaque replie son oraison funèbre, et suit la famille éplorée chez le marchand de vins, où il suce une cuisse du lapin des morts et dévore mélancoliquement le gruyère des trépassés.

Telle est la profession dernière de M. Chaque, orientaliste, ex-régent, ancien Pallicare, qui s’est inspiré en cela de ses souvenirs de la Grèce antique et de son amour pour la Grèce moderne :

Il est pleureuse à Montparnasse[1].


  1. Chaque a protesté contre cette qualification de pleureuse, et il nous menaça même d’un procès, jadis. J’ai pourtant laissé subsister l’anecdote, car elle n’entache pas son honneur. Faut-il répéter ici, à propos des autres histoires, que j’ai voulu simplement peindre un excentrique et non pas médire d’un brave homme ?