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qu’il s’agissait… Ah ! il vous aime bien… j’étais jalouse de vous… il vous le contera du reste, car il va arriver… exprès pour vous voir, parce qu’il sait que vous êtes ici, parce qu’il y a un complot, parce qu’il a mis dans la tête de papa et de maman, dans la tête de votre mère aussi, des idées !… »

Elle s’est arrêtée un instant, et a repris, en hochant la tête comme un chardonneret, avec un petit air fâché et moqueur :

« Ah ! mais non… par exemple !… »

Elle s’est enfuie là-dessus, mais en me jetant un sourire qui avait la grâce d’un aveu, et elle m’a adressé un regard si long et si tendre que j’en ai eu froid dans le dos et chaud au cœur…

Nous en avons parlé le soir avec ma mère. — Les choses sont plus avancées que je ne pensais. À l’en croire, c’est fait si j’y tiens ; à la condition que je resterai au Puy et ne retournerai point à Paris, avant un an, deux ans peut-être. — Ah ! cela gâte tout.

— Comment, Jacques, tu hésiterais après les démarches que j’ai faites, quand la demoiselle est honnête et te plaît, quand cela te sort de la misère ? »


« Cela te sort de la misère ! »


Mais si j’avais voulu n’être pas misérable, je ne l’aurais jamais été, moi qui n’avais qu’à accepter le rôle de grand homme de province, après mes succès de collège. Je pouvais trouver, à Paris même, un gagne-pain, un tremplin ; j’aurais enlevé des protec-