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J’arrive chez M. Benoizet.

Il se dispute avec sa femme ; ils se jettent à la tête des mots qui ne sont pas dans la grammaire, il s’en faut ! Je les dérange dans leur entretien, ils ne m’ont pas entendu venir.

J’avais pourtant frappé, et je croyais qu’on m’avait dit : Entrez !

M. Benoizet se dresse comme un coq et me demande ce que je veux.

Je tends ma lettre.

— Avez-vous enseigné déjà ?…

Toujours la même question ! — à laquelle je fais toujours la même réponse :

— Non, je suis bachelier.

— Je ne veux pas de bacheliers. Savez-vous apprendre ba, be, bi, bo, bu ? Avez-vous dit pendant des journées ba, be, bi, bo, bu ? — ba, be, bi, bo, bu, pendant des journées ?


Pas pendant des journées, non ! Quand j’étais petit seulement. Mais j’ai besoin de gagner mon pain et je fais signe que j’ai dit ba, be, bi, bo, bu — BBA, BBÉ… J’en ai les lèvres qui se collent !…


Madame Benoizet, qui a rajusté son bonnet, entre dans le débat.

— Tu peux en essayer, dit-elle à son mari, en me toisant, comme elle doit soupeser un morceau de viande, en faisant son marché.

On en essaie.