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Paris, 5 heures du matin.

Nous sommes arrivés.

Quel silence ! tout paraît pâle sous la lueur triste du matin et il y a la solitude des villages dans ce Paris qui dort. C’est mélancolique comme l’abandon : il fait le froid de l’aurore, et la dernière étoile clignote bêtement dans le bleu fade du ciel.

Je suis effrayé comme un Robinson débarqué sur un rivage abandonné, mais dans un pays sans arbres verts et sans fruits rouges. Les maisons sont hautes, mornes, et comme aveugles, avec leurs volets fermés, leurs rideaux baissés.

Les facteurs bousculent les malles. Voici la mienne.


Et le personnage aux quarante francs ? l’ami de M. Andrez ?


J’accoste celui des remueurs de colis qui me paraît le plus bon enfant, et, lui montrant ma lettre, je lui demande M. Truchet, — c’est le nom qui est sur l’enveloppe.

« M. Truchet ? son bureau est là, mais il est parti hier pour Orléans.

— Parti !… Est-ce qu’il doit revenir ce soir ?

— Pas avant quelques jours ; il y a eu sur la ligne un vol commis par un postillon, et il a été chargé d’aller suivre l’affaire. »


M. Truchet est parti. Mais ma mère est une cri-