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7 juin.

Dix heures cinq minutes, sept juin !

J’ai ma liberté ! J’ai le droit de quitter le quai Richebourg, de lâcher Nantes, de filer sur Paris.

Je l’ai payé, ce droit ; il est à moi ; on me l’a vendu. Me l’a-t-on vendu cher, bon marché ? Je n’y ai pas regardé.

On m’a dit : « Tu es mineur, il te faudra attendre des années avant d’être maître de ton argent ; si tu veux t’arranger avec ton père, il te laissera libre dès aujourd’hui, tu pourras partir. »

— Mais, mineur, est-ce que j’ai le droit de signer ?

— Pourvu que tu écrives une lettre. Nous avons confiance en toi. Tu ne manqueras pas à ta parole, nous le savons. »

Vous le savez ? — Je sais, moi, que vous avez souvent manqué à la vôtre ! Je me rappelle la dette du père Mouton… Oh ! le sang m’en bout dans les veines, à y penser !

Allons, faisons l’acte, écrivons la lettre que vous voudrez, demandez-moi la promesse qu’il vous plaira — et que je tiendrai. Ouvrez-moi la porte. Que je sorte pour ne jamais revenir ! Les gendarmes ne m’arrêteront pas maintenant que j’ai hérité. Je ne suis plus un gredin et un vagabond.


On a terminé, je ne sais comment. Je me rappelle seulement que j’ai transcrit une lettre dont le brouillon a été mis sous ma main. Mon père gardera l’ar-