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Dans le froid de ces trois nuits de décembre, mon bras droit s’est glacé. Je n’ai pas une plaie glorieuse, j’ai un rhumatisme bête qui me supplicie l’épaule gauche.

N’importe, je retournerai. Mais il y a une question qui me rend bien malheureux.

Je dois à l’hôtel ; c’est grâce à Alexandrine que j’ai eu crédit.

Je pensais payer à la première éclaircie de journalisme ou de professorat libres. Je ne dois pas beaucoup, je dois un peu plus de cent francs. Voilà tout.

Depuis le départ du Russe je mangeais à trente-deux francs par mois — le café au lait le matin ; le bœuf, le soir.


J’écris la situation à Nantes, en suppliant qu’on m’envoie de quoi m’acquitter avant que je parte. J’aurais honte de rester le débiteur du père après avoir été l’amoureux de la fille.

On me répond qu’on verra quand je serai revenu.

J’ai pleuré de tristesse et de colère ; j’oublie la bataille perdue pour ne voir que ma situation pénible et fausse.

J’écris et supplie encore.

On envoie cinquante francs, en répétant que tout sera réglé dès que j’aurai remis le pied au foyer paternel.

Il faut s’humilier — demander à Alexandrine d’intercéder auprès de son père et de faire accepter la convention.