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Tant pis ! Je ne croirais pas être honnête si je ne parlais pas comme je le fais.

Je serai peut-être forcé de ne plus revenir ; je perdrai ce coin de camaraderie et de bonheur ; mais je ne puis cacher mon étonnement, ma douleur, ma colère, de voir saluer cet homme par des révolutionnaires de dix-sept ans.

C’est à faire rire vraiment !

Avec son allure de vicaire de campagne, prenant l’air bon enfant et patriote, il va en mission chez les simples, dans les mansardes, dans les cabanes, pour mettre de la pâte sur les colères, les empêcher de fermenter et d’éclater en coups de feu !

Et il se moque de nous !

Dans un grenier qu’on est bien à vingt ans !

On y est bien, comme un évadé qui, contre un coin de mur, a une minute pour se reposer, mesurer l’espace et bander sa blessure. On y est bien comme moi chez Alexandrine — quand on est l’amoureux de la fille d’en bas, et qu’on ne reste jamais en haut, où il fait trop triste, trop chaud ou trop froid, pour y vivre autrement qu’enfoncé sous les draps, l’hiver, et étendu sur le lit, l’été : où l’on ne travaille pas, parce que l’odeur est horrible, parce qu’on n’a pas de livres, parce qu’on a des puces ! — Blagueur de bonhomme !

Eh ! misérable, si l’on était bien dans un grenier à vingt ans, pourquoi es-tu allé demander une place à Lucien Bonaparte !…

Personne ne pense comme moi. Je parais un brutal et un fou.