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À côté de vers bachiques imitant un verre, une gourde, il y avait les Gueux :

Les gueux, les gueux
Sont des gens heureux,
Qui s’aiment entre eux,
Vivent les gueux !

« Les gueux sont des gens heureux, qui s’aiment entre eux » — mais on se cogne et l’on s’assassine entre affamés !

« Les gueux sont des gens heureux ! » Mais il ne faut pas dire cela aux gueux ! s’ils le croient, ils ne se révolteront pas, ils prendront le bâton, la besace, et non le fusil !


Et puis, et puis — oh ! cela m’a paru infâme dès le premier jour ! — ce Béranger, il a chanté Napoléon !

Il a léché le bronze de la colonne, il a porté des fleurs sur le tombeau du César, il s’est agenouillé devant le chapeau de ce bandit, qui menait le peuple à coups de pied, et tirait l’oreille aux grenadiers que Hoche avait conduits sur le Rhin et dans la Vendée : Hoche qu’il fit peut-être empoisonner, comme on dit qu’il fit poignarder Kléber !…

Ce poète en redingote longue baise les pans de la redingote grise !

Deux redingotes sur lesquelles je crache !

Tiens, imbécile ! tiens, lèche-éperons !


Béranger a presque creusé un abîme entre nous !