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avoir étudié le problème en homme d’affaires, a dû reconnaître qu’il n’avait pas découvert le moyen de faire payer 1200 milliards à l’Allemagne sans amener une baisse terrible des salaires dans les pays alliés.

Mais tout cela n’est pas pour troubler financiers, diplomates, journalistes français qui parlent déjà d’occuper militairement l’Allemagne pendant 50 ans !

Quoi, immobiliser là-bas, l’arme au pied pendant un demi-siècle, des dizaines de milliers de soldats français furieux de manquer aux vendanges et aux moissons ! Cultivateurs, vous voilà prévenus !

… Or, des richesses nouvelles, cela exigera un Gouvernement nouveau, qui bousculera d’un geste les résistances obscures de la finance et ouvrira en champ d’exploitation à l’État, à la province, au canton, les chutes d’eau, les mines, les usines.

À la « Conscription of blood », nous ferons succéder la « Conscription of wealth », comme veulent nos camarades anglais. Après la mobilisation du sang, celle de l’or !

Opération immense et ardue. Il est beaucoup plus difficile de faire payer que de faire mourir. Or, nul n’aura dans le pays plus de prestige, plus d’autorité que les anciens combattants groupés en associations puissantes et qui, sans arrogance, mais aussi sans faiblesse, parleront les premiers et les derniers dans toutes les affaires publiques.

Un parti des anciens combattants, alors ? Absurde ! Ce n’est pas une opinion d’être ancien combattant pas plus que d’être Français. L’un est le hasard d’un acte d’état civil, l’autre le hasard d’un conseil de révision. Un voisin qu’on dit « embusqué », n’a pas été au front parce qu’il a une maladie de cœur qui l’emportera à 40 ans. Il est aussi bon citoyen, aussi intelligent qu’un autre ; et toi, qui l’insultes et qui lui mets sous le nez ton étoile rouge, te voilà bien faraud, maintenant que tu « en » es revenu, avec ta gloire et qu’à lui ne reste que sa maladie de cœur !…

Mais souviens-toi de cette mitrailleuse qui te prenait en flanc, aux Éparges, et des copains qui « trébuchaient sur la mort comme sur une pierre ! »[1] Souviens-toi du canon de Verdun et dis-moi si tu n’as jamais envié la maladie de

  1. Lise, de Luc Durtain.