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Pendant la guerre, généraux et soldats communiaient dans la haine des députés. Mais les généraux haïssaient les députés pour ce qu’ils auraient pu contrôler s’ils l’avaient osé, tandis que les soldats haïssaient les députés parce qu’ils les laissaient effectivement massacrer en silence. Diplomates, journalistes de la presse bourgeoise, financiers, usiniers communiaient avec la classe ouvrière dans la haine des députés. Mais tandis que les uns exprimaient le sentiment bien naturel d’un criminel pour un complice qui menace de temps en temps par frousse de vendre la mèche, la classe ouvrière, elle, s’indignait que de la tribune si peu de voix osassent réclamer la paix.

Malgré la censure, malgré l’Union sacrée du mensonge universel qui scellait les bouches de presque tous les écrivains, le prolétariat soupçonnait la vérité. Il sentait le mensonge percer sous les harangues fleuries des phraseurs de la guerre du droit. Que dira-t-il quand il connaîtra quels propos désabusés tenaient entre eux ces avocats de la mort, obéissant à une sorte d’ignoble élégance qui voulait racheter le ridicule de leurs redondances de tribune par le cynisme délicieux des chuchotements. Nous, les survivants du massacre, jamais nous ne pardonnerons cela. Longtemps nous avons mâché et remâché en silence notre détresse, l’avenir d’un pays saigné et ruiné, humble sous l’orgueil des profiteurs. Le désespoir nous a presque fait perdre la vue. Et puis un jour nous avons appris que parmi les peuples d’Europe il en était un, le plus grand, le plus jeune, le plus riche de richesses vierges, qui venait de se dégager, d’un coup d’épaule, de la servitude.

La République des soviets, depuis deux ans nous la guettons avec angoisse. Nous essayons de percer les pro-