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Personne ne doutait qu’il n’eût été dans les cent-jours porté pour la croix.

Tous les amants heureux le prenaient pour confident et lui ouvraient un crédit, qui ne finissait avec une liaison rompue, que pour se solder et s’élever à de plus gros chiffres avec une liaison nouvelle.

Les veuves de colonels ou de généraux tués à Waterloo étaient entre deux âges. Elles suppléaient à ce qu’elles avaient perdu de leur jeunesse et de leur beauté par des récits touchants de leur situation. Elles prenaient ou recevaient souvent des sobriquets, la Veuve de la Grande Armée, la Bérésina. Un sobriquet est souvent, pour une femme compromise, une source de célébrité et de fortune.

Une des maisons de bouillotte les plus célèbres sous l’empire et sous la restauration était tenue par madame M*** S***.

Madame M*** S*** était la sœur aînée d’une actrice célèbre ; elle était de toute sa personne encore plus belle que sa sœur ; elle fut, pendant les mauvais jours de la république française une et indivisible, compromise dans une affaire de faux assignats. Elle en sortit avec un acquittement qu’elle dut à son innocence et non à sa beauté.

Madame M*** S*** tenait une maison de bouillotte d’hiver et d’été. L’acteur Gavaudan en était un des assidus. Elle tutoyait tout le monde, et tout le monde la tutoyait. Comme au temps du chevalier de Grammont, comme au temps des Desgrieux, on n’était point alors déshonoré par des tricheries au jeu. Mais elle ne tirait point profit de ces escroqueries qui lui étaient connues ; elle