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et la banque en fut pour neuf cents francs de perte ; cette leçon valait bien neuf cents francs.

Un général célèbre avait inventé un coup qui porte son nom. Il joua, un jour, sous l’empire, au Cercle des Etrangers, à rouge ou à noire un petit rouleau cacheté aux extrémités, et qui avait toutes les apparences d’un rouleau d’or de mille francs : s’il perdait, il reprenait son rouleau, et donnait un billet de mille francs ; il vient à gagner ; il dit au banquier, qui, à son tour, lui offrait mille francs :《 Mais permettez, j’ai joué plus gros jeu. » On ouvrit le rouleau, et on y trouva, au mi lieu de quelques pièces d’or, quinze ou vingt billets de mille francs.

Le général fut payé, mais on se souvint de la leçon, et on ne joua plus qu’avec des masses à découvert, et qu’avec des mises limitées.

Dans les cent-jours, il se fit contre la banque un coup qui porte encore le nom de celui qui l’avait inventé. Un des complices, laissant tomber une pièce de monnaie, fit semblant de la chercher sous la table, et, pendant ce temps, il y plaça une machine infernale... A un moment donné, un autre complice faisait le même manège et mettait le feu aux poudres. Seuls, les auteurs de ce coup n’étaient point troublés, et au milieu du désordre et de l’effroi général, ils s’emparaient, en fuyant, de l’or et des billets de banque étalés sur la table ; ils se disaient : « Sauvons la caisse. » Après ce coup de main, la mise en banque ne fut plus étalée sur la table ; elle fut seulement enfermée dans des boîtes en cuivre, très à jour pour tenter l’œil du joueur.

Tous les joueurs de profession sont restés inconsola-