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Il fut convenu avec moi-même que je ne jouerais plus, que dix louis.comme première mise ; et pendant deux ou trois jours je gagnai chaque jour de quinze cents à deux, mille francs. Il fut de nouveau convenu avec moi-même que je ne jouerais plus comme première mise que cinq cents francs : pendant deux jours encore, cette montante eut un plein succès.

Bien que, pendant trois mois, j’eusse vécu en millionnaire, mais en millionnaire généreux, je comptais environ dans ma caisse (car j’avais une caisse) neuf à dix mille francs de bénéfice, soit en or, soit en billets. Il fut de nouveau convenu avec moi-même que je ne jouerais plus que mille francs comme première mise.

Dès le premier billet de mille francs que j’engageai, je fis paroli : je gagnai encore… Mais bientôt les coups les plus piquants, deux et un, neuf et quarante (je ne jouais jamais qu’au trente et un), se dessinèrent contre moi sur le tapis vert.

Je retournai chez moi chercher de nouvelles masses ; J’y retournai une fois, deux fois, et enfin, comme ce jour-là j’avais invité plusieurs amis à un dîner qui était commandé, je laissai dans ma caisse quelques louis seulement, bien sûr de vaincre la fortune avec du courage et de gros bataillons.

Il n’y eut même pas de combat ! je perdis tous les coups. Il me vint une idée de joueur ! Je traversai dans cette journée toutes les maisons de jeu de Paris ; d’abord toutes les maisons du Palais-Royal, Paplios, celle de la rue du Temple, celle de la rue Dauphine, la roulette de la rae Marivaux, Frascatii-le Cercle dans la journée