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Vienne, un grand banquet réunit tous les souverains et tous les plénipotentiaires. On quittait à peine la table, lorsque éclata dans les salons, comme un coup de foudre, la nouvelle du débarquement de l’empereur.

À l’instant même, la politique européenne changea de face : on mit de côté tous les projets qui devaient rompre la coalition de l’Europe ; on fortifia même cette coalition et l’on se promit de repousser encore une fois l’ennemi commun, par l’effort unanime de toutes les puissances.

Napoléon connaissait-il les vues du prince de Metternich, et, lorsqu’il quitta l’île d’Elbe, pensa-t-il que la grande division de l’Europe était déjà un fait accompli ? Cela est possible, cela est même probable : il se trouvait au congrès de Vienne beaucoup d’anciens serviteurs de l’empereur, qui purent l’informer des nouvelles alliances européennes.

Arrivant en France, l’empereur Napoléon déclara que le congrès de Vienne était dissous. Si Napoléon eût débarqué à Fréjus seulement un mois plus tard, il aurait trouvé l’Europe coupée en deux, et il n’eût eu qu’à choisir entre ses alliés et ses ennemis. Ne peut-on pas dire avec Bolingbroke : « Qu’est-ce que le monde ? et comme la fortune se moque de nous ! »

La marche de l’empereur à travers la France fut, comme on le sait, rapide et triomphale. Il arriva le 20 mars à Paris. Dès la veille, le roi Louis XVIII avait pris la route de Gand. La marche du roi qui fuyait fut aussi rapide que celle de l’empereur qui arrivait. Un certain nombre d’amis fidèles et dévoués rejoignirent Louis XVIII à Gand : M. de Blacas, M. de Chateaubriand