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pas à s’inquiéter pour lui du triomphe des septembriseurs.

Ce triomphe fut assuré par la chute des girondins, après la journée du 31 mai 1793. Les craintes des amis de M. Guizot père et celles de sa famille ne furent que trop justifiées. Dénoncé dans les premiers mois de l’année 1794, il fut poursuivi par les autorités révolutionnaires de Nimes, en même temps que son ami M. Chahaud-Latour, que nous avons vu questeur de la Chambre des députés, le père du général Ernest Chabaud-Latour.

M. Guizot père et M. Chabaud se dérobèrent par la fuite au danger dont ils étaient menacés ; ils trouvèrent l’un et l’autre un asile chez de bons et honnêtes paysans de Rémoulin, petit village du département du Gard, enclavé dans un site pittoresque sur les bords du Gardon. Au bout de quelques jours, MM. Guizot père et Chabaud ne voulurent pas que leurs hôtes s’exposassent plus longtemps, par une hospitalité courageuse, à la colère et à la vengeance de leurs ennemis ; ils quittèrent donc leur asile ; mais tandis que M. Chabaud se dirigeait vers la Suisse, ou il parvint à se réfugier, M. Guizot père se rapprochait de Nîmes dans l’espérance de rejoindre sa femme et ses enfants. Il n’y réussit point, il fut bientôt reconnu et arrêté par deux gendarmes.

Ici se produisit une situation singulière et une de ces scènes qu’il faut sauver de l’oubli, pour l’honneur du cœur humain. L’un des gendarmes avait, dans d’autres temps, reçu un service important de M. Guizot père ; sous l’impression de ce souvenir, il voulut rendre la liberté à son prisonnier. Une lutte touchante s’engagea