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rent entre ces deux savants compositeurs une amitié durable.

Cherubini annonça un matin à ses élèves qu’il partait pour l’Angleterre, et que, pendant son absence, Halévy le remplacerait pour les leçons. À cette nouvelle inattendue, le cœur d’Halévy, qui n’avait alors que quinze ans, se gonfla d’une joie immense, peut-être mêlée d’un peu d’orgueil. Cherubini en partant pensait aussi aux progrès de son élève, et il le confiait aux soins et aux conseils de Méhul.

L’année suivante, Halévy obtenait le second prix de composition au concours de l’Institut. En 1819, il remportait le premier prix et partait pour Rome.

De jeunes professeurs de l’Université, sortis de l’École normale, se réunissaient tous les jeudis dans un banquet d’amis chez le père de l’un d’eux, homme riche qui aimait la philosophie, les arts et les bons diners.

Supposons qu’à Athènes des philosophes, des poètes, un jeune musicien encore imberbe, dans un festin modeste et délicat, parlent des dieux, des arts et du théâtre ; les philosophes se montrent aimables quoique savants ; les poètes s’inspirent de la riante imagination de la jeunesse ; le jeune musicien cherche des chants nouveaux sur sa lyre ; la coupe, couronnée de roses, passe de main en main. Le plus renommé des jeunes philosophes (je le nommerais Platon, si Platon eût aimé la musique) se lève et dit : « Je veux fane un drame, j’en inventerai l’action, j’en écrirai le plan. S’adressant à un des poètes, toi, dit-il, tu l’écriras dans la langue des dieux ; s’adressant au jeune musicien, toi, dit-il, tu en composeras la mélopée, tu dicteras les chants des