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positions, soit inédites, soit publiées. MM. Ponchard, Bordogni, Levasseur, madame Damoreau entouraient le piano. On passait en revue d’anciens ouvrages, on déchiffrait quelques partitions manuscrites. On chantait le quatuor des Viaggiatori felici, le trio d’Ifigenia, un quatuor d’un Don Giovanni, plein d’intérêt, composé sur les paroles mêmes du quatuor de Don Giovanni, de Mozart. On y chantait de charmants morceaux de Koukourgi, opéra inédit et inachevé, dont Cherubini mit les meilleures pages dans Ali Baba.

Souvent aussi, c’étaient des morceaux de musique sacrée qui faisaient les frais de la soirée. On chantait le Pater noster composé pour la chapelle du roi, ou l’Ave verum, avec solo de hautbois ; ou de magnifiques litanies de la Vierge inédites, et dont M. Auber possède le manuscrit. M. Halévy possède aussi plusieurs manuscrits de Cherubini, avec cette dédicace de la main du maitre : Al suo caro Halévy.

La plus tendre amitié unissait Cherubini et M. Ingres. M. Ingres peignit pour son ami le beau portrait qu’on admire au Luxembourg. Peu de temps avant sa mort, Cherubini composa un canon pour M. Ingres. Lorsque M. Ingres devait passer la soirée chez son ami Cherubini, Baillot était prévenu et invité, et l’on exécutait de charmants quatuors d’instruments. M. Ingres ne manque pas de talent sur le violon.

Cherubini était un homme d’un esprit naïf ; il lui échappait souvent des paroles dures, mais sans qu’il eût l’intention de blesser personne ; s’il disait des choses plaisantes, il était le seul à n’en pas rire, il ne se doutait pas qu’il eût été plaisant. Cherubini exprimait sa