Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai souvent assisté à ces brillantes et curieuses réunions chez madame Ancelot ; on y rencontrait aussi MM. Malitourne, Audibert, des peintres et des musiciens.

M. A. Malitourne a écrit en 1828 un portrait de madame Virginie Ancelot, où l’éloge ne dépasse jamais la vérité : « Très-peu de femmes, dit M. Malitourne, méritent une attention spéciale, parce que l’éducation, la mode et la futilité mettent beaucoup d’uniformité dans leur manière d’être ; aussi quand il s’en offre une à l’observateur avec quelques traits originaux, il n’est guère possible que celui-ci garde son désintéressement littéraire et son flegme philosophique. Le plaisir d’avoir rencontré une physionomie nouvelle et un caractère piquant l’entraînera nécessairement à l’examiner avec une complaisance active et curieuse qui sera bien près de la passion, quand il voudra la reproduire. C’est la joie du botaniste qui vient de faire la conquête d’une fleur inconnue ; elle est divine, car il l’a trouvée.

» Au moral comme au physique, Virginie Ancelot n’a pas un mérite visible pour tout le monde, et il en faut beaucoup avoir pour sentir tout ce qu’elle en a. Cela vient d’un certain abandon répandu dans toute sa personne ; elle a l’air si désintéressé sur elle-même, qu’elle n’appelle pas tout de suite l’intérêt, et jugée par la distraction, elle ne recueille que l’indulgence. Je doute qu’on l’ait jamais trouvée ni très-jolie, ni très-spirituelle au premier abord ; une sorte de mystère enveloppe tout son être.

» Regardez bien tous les détails de ce portrait, et dites-moi si vous devinez.