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et sur tous ceux qui se sont produits depuis, soit dans les journaux, soit par des livres, soit comme professeurs dans des cours savants et très-suivis. Que de fortunes diverses ont été réservées à tous ces jeunes gens studieux, aimant les lettres dès les ennuis et les luttes du collège ; ils ne sont pas tous parvenus aux honneurs académiques, à une vie heureuse et de doux loisirs ; l’expérience des affaires et des hommes apprend que c’est moins encore peut-être par les grandes qualités de l’esprit, que par la persévérance, par la droiture et la sûreté de caractère, par des habitudes du monde, par des choix de relations, qu’on se crée une réputation populaire et honorée, qu’on se fait ouvrir les portes de l’Université, des académies, ou que l’on conquiert ces hautes positions sociales qui vous font intervenir dans les grandes affaires du pays.

Vers 1820, sur les ruines de l’empire, dont l’Europe en armes avait décidé la perte, mais n’avait pu faire oublier la gloire, aux premiers rayons du soleil de la paix, la poésie eut un nouvel avenir à prophétiser ; elle eut à chanter les tristesses des cœurs émus du spectacle de tant de crimes, de tant de victoires et de tant de sang humain répandu pendant vingt ans. Lamartine fut instinctivement alors le poète de la patrie et de l’humanité ; ses chants n’excitèrent que de l’admiration et de la reconnaissance. Dans une langue nouvelle et divine, il purifia l’air de la France chargé de miasmes impies ; il nous apprit à nous écouter penser, à interroger souvent notre esprit et notre âmç ; il nous jeta dans une philosophie moins stoïque et plus chrétienne, qui chan-