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fièvre religieuse et littéraire s’empara des esprits et des cœurs.

Ce ne furent alors que cénacles et agapes.

Je retrouve dans mes souvenirs les plus lointains, vers 1815 ou 1816, un premier diner littéraire auquel j’assistai, chez Edon, restaurateur, rue de l’Ancienne-Comédie, faubourg Saint-Germain. M. Amédée de Bast, auteur de plusieurs romans très-lus, M. A. Malitourne, dont nous aurons bientôt à parler plus longuement, M. Ader, que je retrouvai rédacteur au Constitutionnel en 1838, et qui ce jour-là me proposa d’écrire avec lui une comédie (cette comédie commençait par le monologue d’un personnage caché dans une malle) ; les trois fils Hugo : MM. Victor Hugo, Eugène Hugo, Abel Hugo ; tels étaient les convives. M. Ader et moi, nous chantâmes chacun une chanson, taillée sur le patron de toutes les chansons du temps. M. Malitourne lut de la prose, et M. Victor Hugo, alors dans sa première jeunesse, nous récita la traduction en vers d’un des chants de l’Enéide.

M. Abel Hugo, aimable homme, spirituel et obligeant, entraîné par le courant, fonda bientôt le Conservateur littéraire, où M. A. Malitourne écrivit ses premières phrases, MM. Victor et Eugène Hugo leurs premiers vers. Je fus chargé d’y rendre compte de quelques séances publiques de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie française.

Sous l’influence de la réaction religieuse et politique, commencée avec le siècle par Joseph de Maistre, de Bonald et Chateaubriand, se fonda, dans les premières années de la restauration, la Société des Bonnes-Lettres,