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Quel plaisir de penser et de dire en soi-même :
Partout, en ce moment, on me bénit, on m’aime ;
On ne voit point le peuple à mon nom s’alarmer ;
Le ciel, dans tous leurs pleurs, ne m’entend point nommer ;
Leur sombre inimitié ne fuit point mon visage :
Je vois voler partout les cœurs à mon passage !


À son arrivée au théâtre, le roi avait été reçu par les deux sociétaires semainiers ; selon l’ancienne étiquette, ceux-ci, un flambeau à la main, précédaient Sa Majesté, et la conduisirent jusqu’à l’entrée de la loge royale.

Le même cérémonial fut suivi au départ ; mais l’un des deux semainiers avait obligeamment cédé sa place à Talma. Le roi remarqua cette substitution, et s’adressant avec beaucoup de bienveillance au grand tragédien : « Monsieur Talma, lui dit-il, j’ai été très-content de vous ; et mon opinion n’est pas trop à dédaigner : j’ai beaucoup vu Lekain. »

Tous les gouvernements nouveaux ont leur lune de miel, et ont à remplir les mêmes devoirs et à supporter les mêmes charges.

Pendant plusieurs mois, l’enthousiasme ne se refroidissait pas ; le roi et la famille royale durent se montrer souvent aux grands balcons des Tuileries.

Des secours durent aussi être distribués par le ministère de la maison du roi aux victimes de la révolution, et aux familles dépouillées et aux émigrés pauvres. Une vieille ci-devant (c’est le titre que le bourgeois de Paris donnait à l’ancienne noblesse), croyant que tout devait être remis en place comme sous l’ancien régime, écrivit à M. le comte de Pradel, directeur général de la maison du roi sous le comte de Blacas : « Monsieur le