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d’avance ; ils ont commencé par forcer le passage et par entrer sans payer ; ils se sont dits députés par la Société des Amis de la liberté et de l’égalité ; ils ont demandé à parler au directeur : il les a fait placer dans la salle. Ils ont écouté le premier acte, même le second, sans murmurer ; mais au second couplet que je chantais, une très-grande partie du public m’ayant interrompu par des applaudissements et l’ayant redemandé, alors ces particuliers s’y sont opposés avec une fureur menaçante ; quelques-uns d’entre eux sont descendus des premières loges à l’orchestre. Ils ont tenu les propos les plus injurieux contre le public, les auteurs, les acteurs, les pièces !…

» Le commissaire de police de la section des Tuileries leur a représenté qu’ils devaient respecter les propriétés, que les directeurs de spectacles étaient responsables ; et il a cité le décret de la Convention relatif à l’Ami des lois ; un particulier lui a répondu qu’on ne venait point pour s’opposer à la représentation, mais pour s’opposer aux allusions indécentes que l’aristocratie y trouvait. Voici le couplet qui, selon eux, fournissait aux allusions :


Air de Calpigi.

Affecter candeur et tendresse,
Du plus offrant que l’amour presse,
Recevoir argent et présent,
C’est ce que l’on fait à présent.
Refuser plaisir et richesse,
Pour conserver gloire et sagesse,
De la mort braver le tourment,
Ah ! c’est de l’Ancien Testament !


» Je vous demande, citoyens, quel homme de bonne