Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la même soirée, se montra tout à la fois juste, poli et violent jusqu’à la grossièreté.

Les flots houleux d’un parterre français s’agitent au moindre vent, et il en sort souvent de menaçantes tempêtes : « Avez-vous souvenance, dit M. Joseph de Maistre, d’un seul trait sublime de piété filiale qui n’ait pas été profondément senti et couvert d’applaudissements par un parterre ?

Retournez le lendemain, vous entendrez le même bruit pour les couplets de Figaro. »

C’est ici la place de crayonner quelques traits de mademoiselle Mars, de cette grande comédienne qui débuta dès le commencement du siècle à la Comédie-Française. J’eus avec elle de longues relations d’amitié.

Je fus présenté à mademoiselle Mars vers la fin de la restauration, par mon ami Étienne Béquet. Toutes les fois que mademoiselle Mars jouait, nous nous rencontrions après le spectacle cinq ou six dans sa loge, et nous allions souper en sa compagnie, dans son hôtel de la rue de la Rochefoucault.

Arnault, de l’Académie française, Étienne Béquet, Coupigny, célèbre à plus d’un titre, comme grand amateur de pêche et comme auteur de romances, le comte de Momay, M. Romieu et moi, nous étions les assidus de ces littéraires et gais soupers.

On était alors au plus vif de la discussion, on pourrait dire de la querelle des classiques et des romantiques. Coupigny défendait les classiques et ses romances. M. Romieu prétendait qu’il n’était plus question de la langue de Racine, de Corneille et de Molière, qu’on allait changer tout cela, et couler en bronze une langue