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Chaque nuit, Ouvrard rentrait dans la même maison ; les valets de meute gardaient la porte jusqu’au lever du soleil. On requit un matin un juge de paix ; la présence d’un juge de paix est heureusement indispensable pour envahir un domicile et pour en briser les portes ; on pénétra dans la maison sans coup férir ; aucune résistance ; on ouvre, on visite tous les appartements, tous les coins et recoins ; un maçon est appelé pour sonder plusieurs épaisseurs de murs. Pour prendre Ouvrard, il eût fallu faire abattre la maison tout entière, et c’est le seul droit que n’aient pas les gardes du commerce.

Ouvrard avait eu recours à une plaque de cheminée tournante qui ménageait un secret asile à ce nouvel hôte du foyer.

Muni d’un calendrier marquant les levers et les couchers du soleil, d’un almanach Bréguet, Ouvrard ne sortait qu’aux heures indiquées ; mais ce calendrier était inexact, et un soir qu’Ouvrard s’échappait de sa retraite, il fut appréhendé au corps : on lui démontra que son almanach Bréguet avançait de dix minutes.

Ainsi traqué, Ouvrard avait toujours cinquante mille francs en billets de banque dans sa poche ; il les offre au garde du commerce pour recouvrer sa liberté : « Je ne puis rien accepter, lui répondit M…, et d’ailleurs si vous m’offrez cinquante mille francs pour vous lâcher, Séguin m’en a donné soixante pour vous prendre. »

Ouvrard était encore au greffe, quand un de ses neveux accourut : « Console-toi, lui dit Ouvrard, tu le vois, je n’ai plus peur d’être arrêté. »