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Ouvrard était généreux, il aimait le faste et les grandes élégances ; les fêtes pleines de magnificences du Raincy lui ont presque valu autant d’inimitiés et de persécutions que les fêtes de Vaux au surintendant Fouquet. Ouvrard vécut en prince jusque sous les verrous.

Entre Ouvrard et Séguin, autre célèbre munitionnaire, dont tous les appartements étaient encombrés de violons et de musique, et dont les écuries logeaient toujours de trente à trente-cinq chevaux qu’il ne montait et qu’il n’attelait jamais, il s’éleva plus d’un conflit d’affaires. Tous comptes faits, Ouvrard resta devoir à Séguin cinq millions ; cinq millions, c’étaient les derniers débris de la fortune d’Ouvrard. Ouvrard prétendait que le gouvernement lui devait juste cette somme, et il renvoyait son créancier Séguin au trésor public, son débiteur.

Les foudres de la juridiction commerciale se déchaînèrent contre Ouvrard. La contrainte par corps fut prononcée ; le plus intelligent des gardes du commerce, M..., fut chargé de mettre à exécution contre Ouvrard la sentence des juges consulaires.

Le moins habile des gardes du commerce est un Nemrod, j’allais dire un Robin des Bois ; mais le garde du commerce ne chasse pas la nuit.

M..., à compter de huit heures du soir, suivait Ouvrard au Rocher de Cancale, aux théâtres, et le couchait[1] à deux heures du matin.

  1. Terme de vénerie qui appartient aussi au vocabulaire des gardes du commerce.