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Une femme, sur le retour de l’âge, veuve et d’une grande fortune, était partie pour l’Italie en compagnie d’un officier, beaucoup plus jeune qu’elle ; elle était décidée à se laisser épouser par son compagnon de voyage, et déshéritait ainsi une foule de collatéraux. Breschet était chargé de lui faire comprendre que tous les devoirs du mariage, qu’elle allait accepter, pourraient être funestes à sa santé. La science de Breschet fut mise en défaut : « Vous n’avez pas le sens commun, mon cher docteur, lui dit-elle : depuis deux ou trois ans, ce monsieur et moi, nous vivons comme mari et femme, et je ne m’en porte que mieux. »

J’ai écrit quelque part : « La vieillesse ne doit point être le temps du repos, c’est le temps des affaires. » Ce doit être le temps des excitations et d’une vie très-occupée pour oublier les tristes enseignements des années et le désenchantement de l’expérience.

Il est une chose mortelle à ceux qui vieillissent, c’est la solitude et l’isolement ; et la solitude, l’abandon, c’est précisément la destinée de la vieillesse. Il se fait un vide autour du vieillard, et par la disparition de ses vieux amis, et par ce besoin de la jeunesse de ne rechercher que la jeunesse, que la gaieté, que le mouvement et tous les plus vifs plaisirs.

Le vieillard ne peut, sans s’assombrir, se replier sur lui-même ; il ne s’échappe de son esprit et de son cœur que de poignantes et tristes réflexions, et toutes ces réflexions, poignantes et tristes sont vaines et inutiles. Les honneurs que chez les anciens on rendait à la vieillesse étaient d’une grande moralité et d’une bonne hygiène