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des écuries nouvelles à construire ; quelques fabriques, kiosques et chaumières à élever ; enfin, une grande activité d’ouvriers et de travaux pour au moins douze ou quinze mois. Ces jours de surveillance et de remue-ménage passent vite ; mais lorsqu’il n’y a plus un moellon à déplacer, un morceau de terre à remuer, l’ennui, et avec l’ennui les regrets envahissent la maison et le cœur du propriétaire qui n’a plus rien à entreprendre, rien à désirer ; ses regards et ses vœux se reportent vers Paris, vers ses vastes magasins, vers son arrière-boutique où il s’enrichissait avec entrain et gaieté.

Les voisins de ville ou de campagne qui avaient le plus vanté l’acquisition se joignent au propriétaire pour trouver que la terre est de mauvaise qualité, d’un pauvre rapport ; enfin le négociant n’y tient plus, et dans un paroxysme de dégoût et de nostalgie il veut à tout prix vendre son bien, quitter les champs ; il lui faut Paris ; il lui faut une nouvelle vie active, bruyante et occupée ! Il perd le tiers sur son prix d’acquisition, c’est un chiffre presque réglé à l’avance, et les grosses bourses du Loiret prennent leur tour pour se rendre acquéreurs des châteaux, fermes, terres labourables des Parisiens, qui, au bout de quinze mois ont assez de la vie de campagne.

L’homme de bureau lui-même, dont la vie est uniforme, sans émotions et régulière, ne peut, dans un âge avancé, changer impunément et sans danger ses habitudes monotones contre des habitudes nouvelles. J’eus pour ami un certain M. Rosman qui comptait trente-cinq ans de service au ministère de l’intérieur. Malgré mes conseils d’ami et de médecin, il se retira à l’âge de soixante-trois ans. « Je n’ai jamais pris de passe-port, me