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appréhensions. J’avais adopté un système contraire : je dînais très-peu la veille, et le matin du concours je gardais la diète. Un succulent dîner avec des vins au moins naturels excite, il est vrai, l’esprit, mais cette excitation est toujours plus ou moins désordonnée ; elle peut même troubler l’attention, entraver la réflexion et paralyser la mémoire. La diète, au contraire, lorsque l’esprit est vivement préoccupé, excite toutes les facultés de l’intelligence et accroît leur puissance. On improvise mieux, on a plus à soi toute sa mémoire l’estomac vide que l’estomac plein.

Lorsque vous êtes en proie à de vives contrariétés ou à des chagrins, votre estomac lui-même semble vous imposer le devoir de peu manger. Les contrariétés vives et les chagrins sont d’invincibles obstacles à de bonnes digestions. Les digestions pénibles ont aussi pour effet d’augmenter la tristesse, les troubles de l’esprit, et de retarder cette réaction morale, ces efforts de résignation, qui sont pour l’homme, à tous les âges, une nécessité et un devoir.

Pendant les cent-jours, Dubois vit plusieurs fois l’empereur, et il tirait de l’état de santé de Napoléon de fâcheux augures : « Avec un mauvais estomac, disait-il (l’empereur en souffrait déjà), on n’a plus de ces soudainetés de vue, de ces courages de parti pris, de ces résistances invincibles, de ces sages et opportunes audaces qui vous font triompher de la résistance ennemie des choses et des hommes. Alexandre, César et Napoléon avaient un estomac à toute épreuve, dans tout l’éclat de leur gloire.

Epicure prétend que toutes les peines et les plaisirs