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plus précieuses richesses de sa cave. Il n’y a plus de caves en France ; il n’y a peut-être plus que celle de la duchesse de Raguse.

J’ai encore fait chez lord Howden, aujourd’hui ministre d’Angleterre à Madrid, le plus exquis dîner en chères délicates, en vins rares et en spirituels propos. Rossini était un des convives. La salle à manger représentait une tente n’ayant d’autres ornements que les armes de guerre des nombreuses peuplades, civilisées ou non, que lord Howden avait visitées et au milieu desquelles il avait vécu.

Rossini, avant de quitter la France, m’invita à dîner. La compagnie ne se composait que de lui, de mademoiselle Olympe Pélissier, aujourd’hui madame Rossini, et de moi ; Rossini était très-lié avec plus d’un millionnaire, et on lui faisait des présents de vins les plus rares. Ce dîner fut pour moi plein d’intérêt. Rossini, avec le plus charmant esprit, avec une veine inépuisable de gaieté, mais non sans viser quelques noms propres et sans leur lancer quelques traits pleins de malice, nous expliquait comment et pourquoi il ne voulait plus faire de musique, et renonçait à la gloire.

Très-peu de jours après la révolution de 1830, M. le comte de Laborde, préfet de la Seine, donnait à l’hôtel de ville un dîner qui fut présidé par le général Lafayette ; on y comptait plus de cent convives ; ce dîner politique fut très-curieux ; le hasard me plaça à une petite table de trois couverts ; j’y eus pour voisins M. Thiers et M. Fazy, aujourd’hui un des chefs du parti radical en Suisse. J’avais eu, en 1829, avec M. Fazy, l’altercation la plus vive, mais dont la fin me devint