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rocailleuses et de petits temples, mais d’une nature vigoureuse et puissante dans toute sa force, son éclat et sa sauvagerie. La femme d’amour avait secoué sa passivité et son engourdissement ; elle n’appliquait plus seulement sa curiosité à la sensation opiniâtrement cherchée du plaisir, elle mettait son âme en appétance d’aimer, non pas en païenne, mais en panthéiste. La femme du xviii° siècle disait dans sa torpeur, en bâillant de désœuvrement : « Je tombe dans le néant » ; avec sa conception nouvelle de la vie, elle eût pu dire : « Je me relève dans l’infini », — Une lettre de femme, écrite en germinal an IV, et qui me revient en mémoire, montre à quel point l’expression d’amour avait changé.

« Ce matin, écrivait la sensitive amoureuse, j’errais dans mon jardin, j’entendais les joyeuses chansons des fauvettes ; les bourgeons s’épanouissaient, je respirais un air doux. Ah ! me suis-je écriée, déjà l’amant de la nature s’avance ; déjà je ressens ses délicieuses influences ; tout mon sang se porte vers mon cœur, qui bat plus violemment à l’approche du printemps. Tout s’éveille, tout s’anime ; le désir naît, parcourt la nature et effleure tous les êtres de son aile légère ; tous sont atteints, tous le suivent ; il leur ouvre la route du plaisir, tous se précipitent… Ah ! mon cœur pur et paisible, s’il gémit quelque-fois, ce n’est pas crainte de trop aimer. »

N’est-ce pas une révélation et vous représentez-