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fondément. L’esprit a fait son choix avec délicatesse sur ce chapelet des ans où notre vieillesse épèle encore le credo des amours défuntes.

Cependant, à vous qui êtes encore flambant de jeunesse, et qui allez, hélas I marcher en avant, trop vite à votre gré, dans un siècle où chacun porte le même uniforme d’habit et d’idées ; à vous qui ne me taxerez pas de ganache ou de gâteux, selon les termes du jour ; à vous je dirai cette phrase banale, mais sincère : C’était le bon temps ! — le temps des orgies de couleur et des turbulentes folies.

Figurez-vous donc la femme au lendemain du 9 thermidor ! — Aux jours de deuil succédaient les jours de fête et d’ivresse ; les chants lugubres du Ça ira, ce De Profundis révolutionnaire, avaient fait place aux chansons de délivrance et de plaisir. La folie rieuse et rose revenait d’exil ; le printemps faisait monter au cœur et aux visages la sève de l’espérance, et toutes ces infortunées, sevrées depuis longtemps des caresses de la vie, ne craignaient point de montrer leurs petites têtes provocantes affamées de plaisir. Alors naquirent les belles soirées de l’hôtel Thélusson, du Pavillon de Hanovre, des bals Richelieu, de Frascati. On dansait sur des ruines, mais il semblait qu’on n’eût pas le temps d’attendre les restaurateurs de l’édifice. On improvisait en hâte les campements de la jouissance, sans