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jamais. Où pouvoit-elle épingler ses espoirs, la pau- vresse, dans ce pays de frivolité, d’inconscience et de passades ? Où pouvoit-elle désaltérer ses désirs d’un je ne sais quoi idéal qui eût affecté la forme d’un homme et non pas d’un galant ; ses lèvres ne trou- voient que la mousse, jamais le liquide rafraîchis- sant. — Un scepticisme éternel l’enveloppoit, un esprit de convention nourri de fadeurs lui donnoit plus de vertiges que de griserie.

Son imagination froidement surchauffée n’avoit ni guides, ni croyances, et se laissoit aller à toutes les aventures les plus osées, et un essaim bourdon- nant, inquiétant de rêves vagues, de débauches ca- piteuses , d’orgies quintessenciées, énervoit sans relâche son pauvre et foible esprit en quête de pos- sibilités. — Lorsque la Caillette goûtoit à l’amour, — écrivois-je à propos des héroïnes de Crébillon fils, — c’étoit sans élan, sans emportement, sans âme, sans avoir ni la force ni l’excuse d’un tempéra- ment violent et dominateur ; elle y touchoit mali- cieusement, avec cette petite moue mutine, cette coquetterie minaudière, cette délicatesse capricieuse des jolies gourmandes sans estomac ni appétit, qui mordent à peine à un fruit pour en attaquer un autre aussitôt. Étourdie par le propre vide de son cœur, blasée, brisée, chiffonnée par le désir, cette galante prêtresse de Cypris, sans songer à sa honte qu’elle méconnoissoit, à ses chutes et rechutes, à ses glis-