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fait dans sa poignante originalité, qui fourniroit au théâtre une scène des plus fortes que l’on puisse concevoir ? Le mari réfléchissoit à loisir, envisageoit toutes les issues d’une situation si grave ; il maugréoit, luttoit en soi-même, tempêtoit, rêvoit de vengeance une seconde ; puis l’indulgente philosophie du siècle reprenoit force en lui. Il donnoit sa signature au billet qu’il n’avoit point souscrit.

La pauvre Caillette étoit-elle si coupable ? Livrée à elle-même par l’égoïsme marital, abandonnée au vide de ses plaisirs, forcée de se remuer, de se parer, de coqueter, de sourire à tout venant pour ne pas penser, elle sentoit l’ennui fondre sur elle, un ennui implacable, désespérant, féroce, qu’elle fardoit de gaieté, qu’elle faisoit tourbillonner dans tous les divertissements sans parvenir à le dissiper, à le chasser de sa petite âme esseulée. Dans la société, parmi les soupers et les parties fines, elle éprouvoit comme une désespérance de fille d’amour ; elle sentoit qu’on cherchoit en elle le hochet, non la femme ; qu’on lui parloit le langage du libertinage, non celui de la passion, et la lassitude de cette vie automatique de poupée et de porte-manteau des modes la saisissoit au cœur et l’épeuroit. Le refuge, c’eût été le foyer, l’intimité, la famille ; mais les gens de bon ton ignoroient ces mœurs bourgeoises et couroient en papillons affolés à la recherche de sensations fuyantes, muguettant partout, ne s’arrêtant