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— Icy les oscillations du crayon s’arrêtent, l’es- prit errant s’envole sans accentuer davantage ce portraict fantaisiste. Aucune de mes contemporaines ne sçauroit se reconnoistre dans ce miroir bizeauté ; les coquettes se complaisent à trouver la flatterie dans les reflets du « Conseiller des grâces » et à tra- vers le cristal limpide des vérités profondes l’homme en général n’ose se resgarder de peur de se rencon- trer, alors qu’il emploie tous les stratagèmes des faux plaisirs et de la folie pour essayer de se fuir. Mélissandre passera doncques souriante et desdai- gneuse, attribuant à quelque rivale l’honneur d’avoir servi de modesle à ce croquis, et Mélissandre aura raison ; l’art de se tenir en esquilibre devant les ba- dauds consiste à ne resgarder ny en haut pour ne point perdre pied, ny en bas pour se presmunir contre le vertige. Ayant en main son petit balancier doré, Mélissandre ira devant elle comme les som- nambules, se croyant une estoile au front et des ailes aux talons comme le Mercure antique.

De combien d’autres portraicts de Précieuses ce siècle pourroit fournir les originaux ! A défaut d’une Arthènice^ on trouveroist dix honnestes Précieuses ayant les plus estimables qualités ; des Sapho, plei- nes de sagacité, de noblesse et de discernement, des prototypes de Yhonneste femme modeste, esclairée d’une érudition qui filtre doucement sansVascade, et, comme contraste, une galerie de bavardes, de pé-