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LETTRE DIX-HUITIÈME


Je me jette sur lui : ma lèvre opiniâtre
En cent endroits s’attache et mord ce corps d’albâtre ;
Il s’agite, bondit ; j’aiguise ses désirs,
Et rompant tout obstacle, au centre des plaisirs
Je pénètre à la fin… Ah ! je renonce à dire
Ce que je ressentis : en quels termes décrire
Un bonheur ardemment et longtemps désiré ?
Quand je tins dans mes bras cet enfant adoré,
Ce furent des transports, d’ineffables délices,
Comme les dieux parfois, quand ils nous sont propices,
Nous en laissent goûter. Ainsi passa la nuit,
Plus rapide qu’un songe, et l’aube nous surprit
Lassés mais non vaincus, luttant avec vaillance,
Quoiqu’en désespérés, contre la défaillance
Qui s’emparait de nous. Il fallut bien pourtant
Quitter mon cher disciple, et le jour éclatant
De son lit me chassa.

                                    J’avais une promesse
À tenir, je sortis, comptant sur mon adresse
Pour m’en débarrasser, car outre qu’un cheval
Est plus cher qu’un pigeon, un pareil animal,
Cadeau trop important, risquait de compromettre
Ma réputation ; le père aurait pu mettre
Obstacle à mes plaisirs, m’éloigner de son fils.
Ces raisons agitant mon esprit indécis,
Quelques heures après, je rentrais les mains vides.