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et les incertitudes qui rendaient si romanesque la vie des gens de mer ont disparu en emportant avec eux tout élément de poésie. De nos jours, les passagers ne chantent plus à bord de chansons de mer, et l’orchestre n’en joue pas davantage. Les chansons pathétiques sur les navigateurs qui errent en d’étranges pays loin de leur patrie, chansons jadis si populaires qui empruntaient à l’imagination tout leur feu et leur couleur locale, les chansons ont perdu tout leur charme et sont réduites au silence de l’oubli ; car tout le monde aujourd’hui est un errant des lointains pays ; cette carrière est devenue banale. — Personne ne s’inquiète plus de cet errant : il n’a plus ni périls de mer, ni imprévus à craindre. Il est à bord, probablement, aussi en sûreté que chez lui, où il pourrait bien lui arriver d’avoir un ami à enterrer, et de poser, tête nue, par un bon petit grésil, devant la tombe de cet ami, — ce qui lui vaudrait une pneumonie, d’ailleurs bien méritée. — Dans sa traversée, au contraire, que risque-t-il ? D’arriver au jour dit, dans l’après-midi, ou bien d’avoir à attendre jusqu’au lendemain matin.

Le premier navire sur lequel je montai était un voilier. — Il avait mis vingt-huit jours pour aller de San-Francisco aux Îles Sandwich. La princi-